Julie Fébron, infirmière française en Belgique, en soins intensifs
Je suis infirmière et je viens de passer 6 mois à l’Hôpital Général de Référence de Kabinda, en République Démocratique du Congo. C’était ma première expérience professionnelle en dehors de l’Europe.
A l’hôpital j’ai été très bien accueillie, tout le monde me réclamait pour travailler dans son service ! Faute de temps j’ai choisi de me concentrer sur 2 services : la chirurgie et les soins intensifs adultes.
En chirurgie il y a souvent beaucoup de travail. Les plaies sont très impressionnantes, tous nos sens sont stimulés dans cette unité : des plaies comme je n’en ai jamais vues avant, l’odeur dans la salle septique où sont hospitalisés les malades ayant des plaies infectées, les mouches qui ne nous facilitent pas la tâche, les pleurs des enfants quand ils voient notre chariot arriver…
En soins intensifs adultes on se trouve souvent fort démuni dans les prises en charge. Même s’il y a un service de radiologie et un laboratoire on est vite pris de court avec beaucoup de méningites, cas chirurgicaux, paludisme… et peu de moyens d’investigation. Cela n’a pas vraiment à voir avec les soins intensifs tels qu’on les connait en Europe, ici il faut apprendre à faire sans.
Au début j’étais beaucoup dans l’observation, ce nouvel environnement de travail est déroutant pour moi. Beaucoup de bruits, les gens à plusieurs dans un lit, j’ai parfois du mal à savoir qui est le patient ! Le matériel limité, les allers-retours incessants à la pharmacie, la façon de communiquer avec les patients, le rythme de travail beaucoup moins efficient qu’en Europe…
J’essaye de les sensibiliser à la prévention de la douleur, la manière de faire un pansement, certaines règles d’hygiène… C’est très difficile pour moi de trouver la bonne manière de communiquer avec eux, d’arriver à leur apporter une technique différente de celle qu’ils ont appris, de les faire se remettre en question par rapport à leur pratique professionnelle, certaines choses qui leur semblent normales me sautent aux yeux ! J’ai souvent le sentiment d’être impuissante, inutile, de répéter sans cesse les mêmes choses sans être écoutée…
Petit à petit une relation de confiance se crée avec mes collègues, on apprend à se connaitre, à travailler ensemble, on échange beaucoup sur les pratiques professionnelles mais aussi sur la vie courante. Toutes ces différences culturelles sont parfois difficiles à comprendre mais très enrichissantes, et me font encore plus prendre conscience de la chance et du luxe que l’on a de vivre et travailler en Europe (même si tout n’est pas parfait chez nous non plus !).
Ce qui me plait beaucoup en Afrique c’est la capacité des gens à exprimer leurs sentiments. Alors que chez nous on a plutôt tendance à garder les choses pour soi, à surtout ne rien laisser paraitre, au Congo on est tout de suite au courant quand quelque chose se passe ! Les joies, les peines, les naissances, les deuils sont sources de cris, de pleurs, de danses et de chants à côté desquels on ne peut pas passer. C’est très vivant ! Dans le même état d’esprit, l’hôpital ressemble à un petit village, les personnes accompagnant les malades s’installent, il y a un coin pour la lessive, un autre pour la cuisine, du linge qui sèche sur les haies, des poulets en vadrouille, les gens vivent dehors, c’est très beau voir. Un concentré de vie !
La vie à la Communauté est très agréable, on est dans un havre de paix ! Le jardin est très joli, on est très bien accueilli, il y a beaucoup de joie et de sérénité.
Je me suis tout de suite sentie très à l’aise, comme à la maison, les personnes qui m’entouraient sont devenues une deuxième famille, des liens forts se créent avec certains et de la complicité apparait au fil des jours qui passent. C’est très important de se sentir bien, de pouvoir échanger, recevoir des conseils, surtout quand on rentre après une journée difficile à l’hôpital ! Il y a toujours quelque chose à faire dans une maison comme celle-ci, aider à la cuisine, s’occuper des poules, des tâches quotidiennes qui aident un peu pour se changer les idées.
En bref, je dirais que c’était une expérience difficile, enfin plutôt que les difficultés rencontrées ne se situaient pas forcément là où je les attendais ! Mais malgré tout c’était extrêmement enrichissant, sur le plan professionnel, j’ai aussi appris beaucoup sur moi-même mais surtout sur le plan humain, certaines personnes m’ont donné tellement !
Julie Fébron.